S ’il est une chose dont Helsana se passe volontiers, c’est de l’avis de ses assurés. Il y a trois ans, la plus grosse caisse maladie du pays augmentait ainsi sans prévenir la franchise de certains jeunes assurés, en les priant seulement de faire savoir par écrit s’ils s’opposaient à cette modification contractuelle (lire BAS 5/01).
L’an dernier, elle «proposait» aux nouveaux retraités une assurance complémentaire nommée CURA, avec un procédé très similaire, même s’il était plus prudent et qu’il a reçu l’approbation de la justice zurichoise (lire BAS 2 et 10/03).
Et il y a quelques jours, Helsana a fait savoir à un certain nombre d’assurés que, sans réaction de leur part, ils seraient, dès le 1er janvier prochain, au bénéfice du nouveau système PREMED-24, avec une réduction de 8% des primes à la clé.
Limiter les consultations
Le système en soi est original et loin d’être inintéressant. Sauf cas d’urgence et diverses situations déterminées (contrôles gynécologiques, séjours à l’étranger, etc.), l’assuré doit, avant de se rendre chez son médecin, téléphoner à un numéro gratuit, où il entrera en contact avec un spécialiste de la santé qui lui donnera son avis et lui fera des suggestions. Le but, on s’en doute, est de limiter ainsi certaines consultations qu’Helsana juge inutiles, et donc de réduire
les frais de santé. A vrai dire, pourquoi pas?
Le silence comme signature
Là où, une fois encore, le bât blesse, c’est qu’Helsana a choisi d’imposer ce système à «tous les assurés particulièrement touchés par la hausse des primes cette année» (combien, on ne le saura pas), en exigeant qu’ils fassent savoir par écrit, et d’ici au 14 novembre prochain, s’ils préférent en rester au système actuel.
Helsana modifie donc un contrat en considérant que le silence de l’assuré équivaut à sa signature. Un procédé juridiquement contestable lorsque cela n’a
pas été prévu préalablement.
A Zurich, la direction d’Helsana ne change pas son discours d’un iota: tout cela est fait dans l’intérêt de l’assuré, à qui on laisse la possibilité de refuser cette «proposition»; passez, il n’y a rien d’autre à commenter! Et à l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), on admet certes que le procédé est cavalier, mais on soupire de soulagement en s’apercevant qu’il n’y a pas de risques pour l’assuré, et donc qu’il n’y aura pas besoin d’entamer un bras de fer avec la plus grosse caisse maladie du pays.
Car, en effet, après avoir épluché les petites lettres des CGA (conditions générales d’assurance), force est de constater que l’assuré ne risque rien en entrant dans le système PREMED-24. Selon les CGA, si l’assuré se rend chez son médecin sans avoir composé le sésame
téléphonique au préalable, Helsana passera l’éponge la première fois, puis se réserve le droit de l’exclure du système dès la deuxième omission. En tel cas, l’assuré rejoindra le système actuel en payant la prime pleine, mais sans effet rétroactif (Helsana nous l’a confirmé). Autrement dit: les assurés qui ne désirent pas ce système ont tout intérêt à attendre leur exclusion, ce sera tout ça d’économisé dans l’intervalle!
Et tant l’OFAS qu’Helsana sont également d’accord sur un point: même si l’assuré n’a pas réagi d’ici au
14 novembre, cela ne veut pas dire qu’il a d’ores et déjà signé un nouveau bail pour 2004: il peut donc résilier son contrat jusqu’au 30 novembre 2003, comme la loi l’y autorise.
Christian Chevrolet
la stratégie d’Assura
Pas d’offre à 300 fr.
Plusieurs lecteurs nous ont signalé que Assura, l’une des caisses maladie les plus avantageuses en Suisse romande, refusait de leur faire des offres pour une assurance de base avec une franchise minimale (300 fr. dès l’an prochain).
«C’est exact, confirme l’un de ses directeurs, Jean-Michel Bonjour. Légalement, nous sommes tenus d’assurer n’importe qui avec une franchise minimale, ce que nous faisons si on nous le demande par écrit. Mais la loi ne nous oblige à rien de plus et nous ne ferons donc pas d’offres qui ne correspondent pas à notre stratégie commerciale».
C’est une interprétation restrictive du droit, mais qui ne pourrait vraiment être éclaircie que devant les juges. Or, comme pour l’affaire concernant Helsana ci-dessus, les assurés préfèrent naturellement se résigner ou changer de caisse plutôt que d’aller croiser le fer dans un tribunal. Et ça, bien sûr, les caisses maladie le savent.