Changez de vie avec Changes International!» Marie-José Charles a failli céder à cet appel, lorsqu’on lui a proposé, il y a environ deux ans, de vendre les «compléments alimentaires» d’une marque américaine. «Un système genre Tupperware ou Amway», précise notre lectrice de Meyrin: du «marketing de réseau», où le vendeur recrute lui-même d’autres vendeurs et touche un pourcentage sur les ventes de ces derniers.
Miracles promis
On remet donc à Marie-José Charles documentation et échantillons d’une poudre censée favoriser la perte de poids... Madame se plonge dans la doc et son époux teste le produit miracle. Résultats: difficultés à uriner pour le cobaye, indignation de la lectrice. «Ces produits promettent des merveilles comme l’amaigrissement, la guérison du cancer et de toutes sortes de maladies. Je trouve cela trompeur et dangereux», résume Marie-José Charles, qui transmet tous les documents reçus à Bon à Savoir.
Destinés à la formation des futurs vendeurs, ces papiers sont édifiants: les «compléments nutritionnels» de la gamme sont parés de vertus clairement médicales: efficaces contre l’ostéoporose ou la dépression, capables de restaurer cartilages, tendons et ligaments, anti-inflammatoires, «détruisant plus de 650 bactéries et virus», etc. – y compris la lutte contre le cancer et l’hypertension. «On ne peut les percevoir que comme des remèdes», de l’avis de Bernard Klein, chimiste cantonal vaudois.
Des règles strictes
Or, le commerce des médicaments est très réglementé: seuls les professionnels autorisés peuvent vendre des remèdes, et à condition que ces derniers soient enregistrés auprès de Swissmedic, l’institut fédéral compétent. Et comme ni les «représentants internationaux» (les vendeurs) de Changes International ni leurs potions n’ont reçu cet aval officiel, leur commerce est donc illégal.
En Suisse romande, deux «représentants internationaux» de Changes vantent pourtant leurs produits sur des sites web incluant des formulaires de commande. Contactées par Bon à Savoir, ces personnes, souhaitant rester anonymes, se défendent à l’unisson: «On ne vend pas: on se borne à transmettre les commandes reçues à une succursale de Changes en Angleterre…» Nuance. Quant aux produits eux-mêmes, «il ne s’agit que de compléments alimentaires, pas de médicaments!».
Directives internes
Candeur ou cynisme? En fait, nos deux vendeurs appliquent les directives internes de Changes, telles qu’elles apparaissent dans les documents remis à Bon à Savoir: «Il est clair que nous ne parlons jamais de médicaments, mais de compléments nutritionnels à base de plantes et de produits naturels (…) Si nous préconisons à outrance la démarche de revente aux particuliers et que nous ne sommes pas titulaires d’une carte pour ce genre de commerce, nous courons le risque (…) d’être en travers des lois sur la police du commerce.» Le même document comprend en outre une liste de prix détaillée de toute la gamme...
Produits dangereux
Difficile donc de croire à la bonne foi des représentants, d’autant qu’ils ont tous deux retiré leur site de l’internet le jour suivant notre coup de fil. Non sans affirmer que «de toute façon, ces sites étaient désuets». Ils étaient pourtant parfaitement tenus à jour.
Tout cela serait presque anodin si les produits en question se bornaient à être inutiles. Mais certaines substances qu’ils contiennent sont carrément dangereuses pour la santé (lire encadré ci-contre)! Bref, de quoi faire froncer les sourcils aux autorités compétentes. Pour Alain Jeanmonod, chef de la Police vaudoise du commerce, il s’agit d’une forme de colportage et les vendeurs devraient disposer d’une autorisation de la Préfecture. On peut en outre se demander si ce n’est pas un système «boule de neige», illégal. Quant au Service vaudois de la santé publique et à Swissmedic, tous deux compétents pour ce genre de cas, ils ont désormais le dossier en main. Sans illusions sur la portée de leurs éventuelles décisions: la société Changes ne risque pas grand-chose, et le marketing de réseau, opaque par définition, est difficile à policer.
Reste l’espoir de dissuader d’éventuels consommateurs de recourir à des poudres de perlimpinpin onéreuses, inutiles, et parfois dangereuses.
Blaise Guignard
Des poisons parés de vertus
Parmi les produits Changes International, certains renferment des substances dangereuses pour la santé. Deux préparations en particulier font problème:
• L’argent colloïdal, suspension de particules d’argent autrefois utilisée dans les gouttes nasales, censée détruire «650 bactéries et virus», peut causer l’argyrie: les sels d’argent se déposent sur la peau, les yeux et les muqueuses, les colorant en gris foncé.
• L’éphédrine, stimulant censé aider à la perte de poids, fait partie des dopants interdits par le CIO. Combinée à la caféine (c’est le cas dans les produits Changes), cette substance provoque anxiété, maux de tête, hypertension, et est responsable de la mort d’une personne au moins au Canada en 2001.