Le 8 octobre prochain, la Confédération annoncera le montant des primes que chaque Suisse devra payer en l’an 2000 pour son assurance maladie obligatoire. Il sera malheureusement souvent à la hausse. Et la différence entre la caisse la plus chère et la meilleur marché restera, une fois encore, incompréhensible pour le commun des mortels.
Cette année par exemple, la prime moyenne pour le canton de Genève était de 306 fr. (adulte, zone 1, franchise minimale), mais de 266 fr. pour Assura et de 342 fr. pour Supra... L’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), chargé d’examiner et d’approuver toutes les primes de l’assurance obligatoire, explique ces différences «par un contrôle plus efficace des coûts, un montant différent des réserves, la stratégie poursuivie par l’assureur en matière de primes et le résultat comptable négatif de certains assureurs». C’est vaste et surtout totalement inutile pour les assurés qui cherchent vraiment à comprendre!
Droit à l’information
Marianne Privat fait partie de ceux-là. A Genève, la prime de sa caisse maladie (Supra) se monte à 342 fr. (même typologie que ci-dessus), soit 36 fr. (432 fr. par an) de plus que la moyenne cantonale. «Je ne peux admettre que mon mari, assuré auprès d’Intras, paie une prime mensuelle inférieure de 66 fr. pour des prestations absolument identiques. Et j’estime tout au moins avoir le droit à des explications.»
Membre du GPFI (Groupement pour la participation de la famille aux informations sur les assurances sociales*), elle s’est donc associée à une opération d’envergure consistant à soutenir les assurés dans leur demande d’informations. Et surtout à exiger une réponse claire et précise, quitte à aller devant les juges dans le cas contraire. Insatisfaits des réponses données par leur caisse maladie, sept assurés (auprès de Supra, Swica, Visana, Wincare) ont donc adressé un recours devant les tribunaux de quatre cantons (BE, GE, NE, VS).
Réponse de jésuites
Il est encore trop tôt pour dire s’ils obtiendront gain de cause, mais il sont bien entourés. Offusqué des réponses (lorsqu’il y en a eu une...) obtenues par les assurés, le GPFI s’est en effet assuré les services du professeur de droit social Jean-Louis Duc pour superviser l’opération sur le plan juridique.
Grosso modo, la réponse des caisses est toujours la même: «Nos primes ont été approuvées par l’OFAS, elles respectent donc la loi et vous sont applicables.» Façon polie de faire comprendre que les assureurs n’ont pas de comptes à rendre à leurs assurés! Autant dire que ces derniers n’ont guère apprécié: «Je ne saurais me contenter de réponse de jésuites, commente Marianne Privat. Le problème est soigneusement contourné et la conclusion tombe sans tenir compte des questions posées.»
Appel aux juges
Comme les assurés n’ont pas demandé une simple réponse, mais une décision susceptible d’opposition à leur caisse maladie, ils ont décidé de faire valoir ce droit et ont donc fait opposition. Une fois encore sans résultat satisfaisant: les caisses ont répété ce qu’elles avaient déjà dit, parfois avec quelques développements (Supra invoque par exemple l’âge de ses assurés, plus élevé que la moyenne, en passant sous silence le système de compensation des risques qui devrait gommer les différences dues à l’âge moyen des assurés). Mais toutes ont rejeté l’opposition. Dès lors, il ne restait plus qu’à franchir l’étape suivante: transmettre les questions aux juges sous la forme d’un recours.
Cela a été fait sept fois, toujours avec l’appui du professeur Duc et du GPFI. Les assurés ont demandé à la justice «que les primes soient fixées pour 1999 au montant correspondant à la moyenne cantonale ressortant des données fournies par l’Institution commune, sous réserve des explications circonstanciées que l’intimée (réd.: la caisse maladie) voudra bien fournir au tribunal pour lui permettre de vérifier s’il existe des motifs – reconnus par la loi – pour les fixer à un niveau plus élevé». Autrement dit: puisque les caisses ne daignent pas vraiment nous informer, auriez-vous l’amabilité de le leur demander? Et si leurs explications ne vous convainquent pas, vous non plus, pourrons-nous retrouver l’argent versé en trop? On imagine l’importance de la réponse, pour les recourants bien sûr, mais aussi pour tous les assurés. Suspense.
Christian Chevrolet
(*) GPFI, rue de l’Hôpital 11, 2000 Neuchâtel. 032/724 14 15.