Longtemps, le décompte de chauffage annuel a constitué une bonne surprise, car il annonçait souvent au locataire une ristourne sur les acomptes versés. Depuis l’automne 2000, la flambée des prix du mazout et du gaz a mué la bonne nouvelle en déception: «Les questions de locataires étonnés d’avoir reçu moins de ristournes ou de devoir payer un supplément explosent littéralement», note Nicole Tille, juriste à l’ASLOCA (Association suisse des locataires), à Lausanne.
Si vos frais de chauffage sont à la hausse, ou – du moins – n’ont pas diminué, c’est donc certainement justifié. Toutefois, chaque locataire devrait vérifier le décompte qu’il est censé recevoir une fois par an (lire encadré).
n Frais effectifs
De nombreuses gérances n’envoient en effet qu’un décompte sommaire. Or, vous êtes en droit d’exiger les détails et le tableau de répartition des frais entre les locataires. Important: le bailleur n’a pas le droit de tirer bénéfice de ce décompte. Il ne peut facturer que ses frais effectifs, notamment:
• le combustible et l’énergie consommés;
• l’électricité utilisée pour la chaufferie (mais pas pour les autres locaux communs, comme la buanderie);
• les frais administratifs ou d’établissement du décompte;
• les contrats d’entretien (en général ceux du brûleur);
• les révisions périodiques de l’installation de chauffage: contrôle de la citerne, ébouage des conduites, détartrage des boilers (une citerne n’étant révisée que tous les
10 ans en moyenne, ce coût est à amortir sur plusieurs années, par exemple sur 3 ans dans le canton de Vaud);
• les autres frais incluant notamment le ramonage, les frais de relevé des compteurs d’eau chaude et/ou de chaleur, les adoucisseurs d’eau et les adjuvants eau/mazout;
• la taxe d’épuration (lire encadré ci-dessous).
Ne doivent pas figurer sur le décompte de chauffage:
• les dépenses de réparation et réfection des installations;
• les intérêts et l’amortissement des installations;
• des postes sans rapport direct avec la chaufferie,
par exemple la taxe déchets.
Si le locataire ne comprend pas tous les points du décompte ou le mode de calcul, il peut demander des éclaircissements. Il a notamment le droit de consulter les justificatifs (factures) des frais de chauffage. Et cela au-delà du délai de 30 jours souvent indiqué.
En cas de désaccord
• Une fois le décompte reçu, les éventuels suppléments sont à payer dans les 30 jours. Le bailleur respectera le même délai pour verser les ristournes. Sans quoi, le locataire peut, après avoir enjoint la gérance au paiement par écrit, compenser la ristourne due avec le loyer.
• Si un supplément est demandé au locataire, sans qu’il ait reçu d’explications ou avec des explications insatisfaisantes sur le détail du décompte, il peut le contester par écrit et annoncer qu’il ne payera que les montants qu’il estime dus. En cas de désaccord de la gérance, c’est à elle d’intenter une action.
• Si, à l’inverse, un locataire estime avoir droit à davantage de ristourne, et que la gérance refuse, c’est lui qui peut ouvrir une action auprès de la Commission de conciliation. Il fera de même s’il veut contester d’anciens décomptes: il a alors un délai d’un an pour lancer la procédure, dès la date où il prend connaissance d’une erreur/irrégularité.
Sachez enfin qu’il est possible de contester les décomptes des dix dernières périodes de chauffage (lire encadré en page 11), même lorsqu’on a déjà perçu les ristournes ou payé les suppléments. Mais il
est conseillé de faire contrôler le décompte par un spécialiste ou par l’ASLOCA* dès que l’on doute de son bien-fondé.
Ellen Weigand
*Prix de la consultation: 60 fr. pour
les non-membres, gratuit pour les membres, (cotisation annuelle 48 fr.). Vous trouvez les adresses de l’ASLOCA de votre région sur Internet sous: www.asloca.ch
d’un canton à l’autre
Les délais à respecter
Si le locataire paie des acomptes provisionnels de chauffage (et non un forfait) et n’a pas reçu de décompte après le délai imparti (voir tableau ci-dessous), il peut soit le demander par lettre signature, en précisant que sans cela il s’adressera à l’autorité de conciliation, soit demander le remboursement des acomptes payés pendant l’exercice concerné.
Canton Date du bouclement Délai pour l’établissement du
du décompte annuel décompte après bouclement
BE* 30 avril 3 mois
FR non précisé 5 mois
GE 30 avril 4 mois
JU 30 juin 3 mois
NE 30 juin 4 mois
VS fixé par bailleur pas précisé
VD 30 juin 5 mois
*Bienne et environs.
Source: Le guide pratique du locataire, 2002, Bon à Savoir.
2e encadré
jugement controversé
Un enjeu financier de taille
Les frais accessoires ne sont à la charge du locataire que si cela a été convenu spécialement dans le bail, a récemment rappelé le Tribunal fédéral*. Un arrêt qui divise l’ASLOCA et les bailleurs du canton de Vaud, notamment en ce qui concerne la taxe d’épuration.
Jusqu’en 1998, les formules types de bail vaudois ne mentionnaient pas cette taxe parmi les frais à la charge du locataire. L’ASLOCA encourage donc les locataires ayant un bail antérieur à 1998 à contester son paiement. La Chambre vaudoise immobilière (CVI) estime en revanche que la mention de la taxe dans les dispositions générales du bail, conformément aux directives pour l’établissement du compte annuel de chauffage et eau chaude, est suffisante pour exiger le contraire.
«Des locataires ont déjà contesté la taxe sur la base de cet arrêt et iront en Commission de conciliation, rapporte Jacques Ansermet, juriste à la CVI. Vu les sommes en jeu pour les bailleurs, ces cas iront rapidement jusqu’au Tribunal des baux, voire au Tribunal fédéral.»
En effet, la taxe d’épuration pouvant s’élever jusqu’à 300 fr. par logement, les montants que les locataires pourraient récupérer sont importants. D’autant que le même arrêt du TF stipule que le délai de prescription pour contester un décompte de chauffage est de 10 ans.
* ATF 4C.24/2002, notamment à propos de l’art. 257a, alinéa 2, du CO