J’étais totalement épuisée. Je pleurais tout le temps et ne dormais plus. Le matin, avant le travail, j’avais la gorge nouée. J’avais perdu toute confiance en moi-même. Nicole (prénom fictif), secrétaire expérimentée, a été victime de mobbing (réd.: de l’anglais to mob = faire foule autour, assaillir), de harcèlement psychologique de la part d’une collègue. «D’abord prévenante, cette femme a soudain changé. Elle m’a progressivement exclue en prenant la pause sans moi, en éloignant les collègues. Elle ne me parlait plus, sauf pour critiquer. Elle contrôlait tout, sans cesse et m’accablait de travail.»
Quand Nicole se plaint à son supérieur, celui-ci soutient l’agresseur. Après quelques mois, à bout de forces, Nicole tombe malade et finit par donner son congé. Aujourd’hui, sept longs mois plus tard, elle est encore sous calmants.
Au bord des larmes
Henri (prénom fictif), dans la soixantaine, était cadre dans un hôpital. Là, il fut soumis pendant plusieurs années au harcèlement de l’infirmière en chef, liguée au directeur. Son travail était constamment remis en cause, on le convoquait régulièrement pour le traiter de mou, d’inefficace, et pour tenter de le monter contre ses subordonnés et collègues.
«Je ne dormais plus. A la fin, j’étais constamment au bord des larmes, raconte cet homme à la stature imposante. Mes collègues me disaient: ils vont te tuer. Mais proche de la retraite, je voulais tenir.» Ses bourreaux finissent par le licencier, abusivement. Henri obtiendra d’ailleurs un dédommagement. Mais cela ne réparera ni le tort moral subi, ni ses pertes financières: aujourd’hui simple employé, Henri gagne moins et touchera donc moins à sa retraite.
Comme beaucoup de victimes de mobbing, ce n’est que poussés à bout que Nicole et Henri ont cherché de l’aide en s’adressant à Violence hors Silence* (VHS). L’association lausannoise soutient les personnes touchées par la violence: physique, psychologique, racket, etc. Et elle rencontre toujours plus de situations de mobbing. «Avant, les travailleurs pouvaient changer d’emploi. Maintenant, tout le monde craint le chômage, note Anne-Marie Henchoz, l’une des fondatrices de VHS. Donc on reste, et on finit par tomber malade, physiquement et psychiquement. Parfois, cela va jusqu’au suicide.»
• Contexte: le mobbing apparaît là où la hiérarchie et les cahiers des charges sont flous, où les cadres sont incapables de diriger les employés correctement, ou si, au contraire, les structures sont trop rigides.
• Victimes: hommes, femmes, employés, supérieurs, chacun peut être victime, surtout s’il est compétent – il constitue alors une sorte de menace pour l’agresseur.
• Méthodes: le mobbing s’installe insidieusement – surcroît/manque de travail, moqueries, exclusion, isolation, humiliations, menaces, etc.
• Comment réagir: Chercher une aide extérieure, car personne ne peut s’en sortir seul. Dire ce que l’on vit dissipe aussi les doutes sur soi-même, semés subtilement par l’agresseur. Ensuite, il faut:
– Dire au mobbeur qu’on refuse d’être traité ainsi – toujours en présence d’un témoin. Et en parler à ses supérieurs, en confirmant tout par écrit, en recommandé.
– Si toute discussion est vaine, que l’usure est à son comble, il devient judicieux de lâcher prise, p.ex. par un arrêt de travail, ou en changeant de service, voire d’emploi.
• Démarches légales: les juges commencent à accorder des indemnités pour tort moral en cas de mobbing. Mais c’est à l’agressé d’en apporter les preuves, ce qui n’est pas facile. Pour cela, il devrait:
– noter chaque fait, les éventuels témoins;
– fermer son bureau à clé, copier les dossiers informatiques (l’agresseur peut vouloir les effacer, introduire des erreurs) et être très rigoureux au travail.
Mais la justice n’intervient en général qu’une fois le mal fait. Pour le prévenir, c’est aux cadres et entrepreneurs de veiller, et surtout d’intervenir. «Souvent ils préfèrent fermer les yeux. Pourtant, ce n’est
pas dans leur intérêt, conclut Anne-Marie Henchoz. Car la diminution du rendement et l’absentéisme dus au mobbing entraînent aussi de graves pertes financières.»
Ellen Weigand
* VHS ((021) 329 02 22. L’association organise une Journée romande sur le mobbing le 2 février prochain à Morges.
A lire: Mobbing, la persécution sur les lieux de travail, Hans Leymann, Paris, éd. du Seuil, 1996; Le harcèlement moral. La violence perverse au quotidien, M.-F. Hirigoyen, Paris, éd. Syros, 1998.
adresses
A l’écoute
En cas de mobbing, on peut notamment s’adresser aux syndicats, dont: FJSC, Delémont, (032) 422 88 66 (aide les fem-mes victimes du mobbing); Unia-FIPS, Lausanne, (021) 321 00 00; SIT, Genève, (022) 818 03 00 (brochure sur le mobbing); SSP, Lausanne (021) 323 88 33 (idem).
En outre, la Croix-Rouge genevoise dispose d’un groupe d’entraide (022) 342 40 50. A Berne, le BBSM (bernische Beratungsstelle für Mobbingfragen) prodigue conseils juridiques et soutien psychologique (031) 665 51 88.