Le «Catalogue Coupon» présente, dans ses premières pages, des publicités pour une carte téléphonique, des vêtements, des produits de beauté, puis des cassettes vidéo pour enfants et des jeux d’extérieur, pour enfants aussi. Il enchaîne, sans avertissement, avec des réclames pour des cassettes pornographiques aux photos éloquentes, des annonces pour des «rencontres privilégiées» avec numéros de téléphone et présentation quasi intégrale des «hôtesses».
On imagine l’enfant attiré par l’image de Babar, qui feuillette la brochure avant de tomber sur des personnages d’une toute autre espèce... On l’imagine d’autant mieux que ses parents n’auront pas eu de raison de lui soustraire le produit: rien n’avertit d’emblée qu’il n’est pas à mettre entre toutes les mains.
Pourtant, plusieurs juristes consultés par Bon à Savoir en sont arrivés à la même conclusion: une série des photos du «Catalogue Coupon» tombent sous le coup de la pornographie. En effet, le code pénal (art. 197), poursuit d’office celui qui aura «rendu accessible à une personne de moins de 16 ans ou mis à sa disposition des images pornographiques». Or, si les illustrations en cause ne montrent pas d’acte sexuel ou d’organes génitaux à proprement parler, elles sont suffisamment évocatrices et vulgaires pour dépasser
le stade du simple érotisme.
C’est pourquoi nous avons adressé la brochure au Procureur général du canton de Vaud, qui ne nous avait pas encore fait part de ses conclusions au moment de mettre Bon à Savoir sous presse. Nous communiquerons le résultat de cette démarche à nos lecteurs dans un prochain numéro.
Affaire juteuse
La maison Multibos, à Saint-Gall, qui édite le tous-ménages deux fois par an à 2,7 millions d’exemplaires, ne voit pas de son côté où est le problème: «Nos clients sont au courant du style de la publication et cela ne les dérange pas.» Multibos annonce toutefois que le nombre de réclames pour du matériel porno se limitera à trois pages dans le prochain numéro, contre une dizaine jusqu’à maintenant.
Les éditions Atlas, à Lausanne, qui diffusent de la publicité pour des cassettes vidéo de Babar dans le «Catalogue Coupon» déclarent effectivement ne pas être dérangés par la présence de pub exclusivement pour adultes: «Le principal, c’est que ça marche. Et la diffusion est énorme.»
Même son de cloche chez APESA, qui vend des jeux d’extérieur pour enfants par le biais du tous-ménages:
«Nous savons qu’il y a de tout dans ce catalogue. Nous le déplorons, mais nous ne pouvons pas l’éviter.» Cette publicité rapporte environ 1000 commandes à APESA.
Les juristes ne sont pourtant pas les seuls à tiquer face aux procédés de Multibos. La Commission suisse pour la loyauté dans la publicité*, formée de publicitaires, d’associations de protection des consommateurs et d’éditeurs, a édicté des règles de conduite en matière de communication commerciale. Elle n’admet pas, en particulier, de publicité sexiste: c’est le cas notamment lorsqu’une personne «est présentée comme un objet de soumission, (...) est avilie par les images».
Réclame sexiste
Le secrétaire de la Commission, Hans Peter Marti, estime que le tous-ménages de Multibos comprend tous les éléments du sexisme. «Si j’étais à la tête d’une entreprise, je ne voudrais pas figurer dans ce prospectus!» Formellement, il faudrait néanmoins une plainte d’un particulier pour que la Commission se réunisse et rende une décision. Et ensuite? «95% de nos recommandations sont suivies!» se félicite M. Marti.
Toutefois, le consommateur ulcéré par le catalogue de Multibos aurait bien du mal à réagir ou à retourner la marchandise: les coordonnées de l’éditeur ne figurent nulle part. C’est, paraît-il, un oubli sur la version française, qui sera réparé lors du prochain envoi… Il est vrai que, selon Hans-Peter Marti, rien n’oblige un éditeur à faire figurer ses coordonnées sur une publication, en dehors des périodiques.
Suzanne Pasquier
*Kappelergasse 14,
8022 Zurich, 01/211 79 22.
kiosques et magasins vidéo
Ce que dit exactement la loi
«Celui qui aura offert, montré, rendu accessibles à
une personne de moins de 16 ans ou mis à sa disposition des écrits, enregistrements sonores ou visuels, images ou autres objets pornographiques (...) sera puni de l’emprisonnement ou de l’amende», dit l’article 197 du code pénal. Ce n’est donc pas la seule morale
qui pousse les kiosques à mettre les publications pornographiques hors de portée des enfants, ou les magasins de cassettes vidéo à prévoir des rayons à part, souvent derrière un rideau. Cette règle vaut aussi à domicile, où cassettes et publications pornographiques ne sont pas censées traîner sur la table de la cuisine...
Précisions parues dans BàS 12/99
Nous avions soumis «le Catalogue Coupon», mélangeant des pubs pour jeux d’enfants et des pubs pour des cassettes porno, au Procureur du canton de Vaud Jean-Marc Schwenter. Celui-ci nous a communiqué son avis personnel, à savoir que ledit catalogue «ne répond pas à la définition actuelle de la pornographie au sens de la loi et de la jurisprudence». M. Schwenter précise qu’il ne cautionne évidemment pas cette publicité et rappelle que «le droit et la morale ne suivent pas toujours les mêmes voies...»